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Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, Lévy, 1854.djvu/347

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de Larçay me calomnie ; Dieu sait ce qu’on dit de moi à la Redoute ! Ces propos de tout le monde me perdront dans l’âme d’Alfred. Comment s’y prendrait un Français pour ne pas penser comme tout le monde ! Il a bien pu les entendre prononcer, moi présente, sans les contredire, sans m’adresser un mot pour me consoler ! Mais quoi ? est-ce que je l’aime encore ? Les affreux mouvemens qui me torturent ne sont-ils pas les derniers efforts de ce malheureux amour ? Il est bas de ne pas se venger ! » Telle fut la dernière pensée de Mina.

Dès qu’il fut jour, elle fit appeler M. de Ruppert. En l’attendant, elle se promenait agitée dans le jardin. Peu à peu un beau soleil d’été se leva et vint éclairer les riantes collines des environs du lac. Cette joie de la nature redoubla la rage de Mina. M. de Ruppert parut enfin. — C’est un fat, se dit Mina en le voyant approcher ; il faut d’abord le laisser parler pendant une heure.

Elle reçut M. de Ruppert dans le salon, et son œil morne comptait les minutes à la pendule. Le comte était ravi ; pour la première fois cette petite étrangère l’écoutait avec l’attention due à son amabilité. — Croyez-vous du moins à mes sentimens ? disait-il à Mina comme l’aiguille arrivait sur la minute qui achevait l’heure de patience.

— Vengez-moi, je crois tout, dit-elle.

— Que faut-il faire ?

— Plaire à Mme de Larçay, et faire que son mari sache bien qu’elle le trompe, qu’il ne puisse en douter. Alors il lui rendra le malheur dont les calomnies de cette femme empoisonnent ma vie.

— Votre petit projet est atroce, dit le comte.

— Dites qu’il est difficile à exécuter, répondit Mina avec le sourire de l’ironie.

— Pour difficile, non, reprit le comte piqué. — Je perdrai