Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, Lévy, 1854.djvu/351

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dans les environs. A une partie de plaisir que ces dames firent à Haute-Combe (abbaye située de l’autre côté du lac du Bourget, en face d’Aix, et qui est le Saint-Denis des rois de Sardaigne depuis 1814), M. de Ruppert, qui, d’après les instructions de Mina, n’avait pas cherché à être de la société de Mme de Larçay, se fit remarquer errant dans les bois qui environnent Haute-Combe. Les amis de Mme de Larçay s’occupèrent beaucoup de cet acte de timidité chez un homme connu par son audace. Il leur sembla clair qu’il avait conçu pour elle une grande passion. Dubois apprit à Mina que son maître vivait dans la plus sombre mélancolie. — Il regrette une aimable compagnie, et, ajouta Dubois, il a un autre sujet de chagrin. Qui l’eût dit d’un homme si sage ? M. le comte de Ruppert lui donne de la jalousie !

Cette jalousie amusait M. de Ruppert. — Voulez-vous me permettre, dit-il à Mlle de Wangel, de faire intercepter par ce pauvre Larçay une lettre passionnée que j’écrirai à sa femme ? Rien ne sera plaisant comme les dénégations de celle-ci, s’il se détermine à lui en parler. — A la bonne heure, dit Mina ; mais surtout, ajouta-t-elle d’un ton fort dur, songez à ne pas avoir d’affaire avec M. de Larçay ; s’il meurt, jamais je ne vous épouse.

Elle se repentit bien vite du ton sévère avec lequel elle avait dit ce mot, et s’appliqua à se le faire pardonner. Elle s’aperçut que M. de Ruppert n’avait pas senti la dureté du mot qui lui était échappé et son éloignement pour lui. M. de Ruppert lui conta que peut-être Mme de Larçay n’eût pas été tout à fait insensible à ses soins ; mais pour s’amuser lui-même, tout en lui faisant la cour la plus assidue, il avait grand soin, toutes les fois qu’il trouvait l’occasion de lui parler en particulier, de ne lui adresser que les mots les plus indifférens et les propos les plus décolorés. Mina fut contente de cette manière d’agir. Il était dans ce caractère, qui, avec quelques apparences de la