Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, I, 1927, éd. Martineau.djvu/185

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tesquieu a dit une sottise sur les lazzaroni[1]. Regardez bien avant de conclure. Le sentiment du devoir, qui est le bourreau du Nord, n’atteint pas le cœur du lazzarone. S’il tue son compagnon dans un mouvement de colère, son dieu saint Janvier lui pardonne, pourvu qu’il se donne le nouveau plaisir d’aller bavarder sur sa colère aux pieds du moine qui le confesse. La nature, en réunissant sur la baie de Naples tout ce qu’elle peut donner à l’homme, a nommé le lazzarone son fils aîné. L’Écossais, tellement civilisé, et qui ne fournit qu’un crime capital en six ans, n’est qu’un cadet qui, à force de travail, a fait fortune. Comparez le lazzarone à demi nu au paysan écossais que, pendant six mois de l’année, l’aspérité de son climat force à faire des réflexions, et des réflexions sévères, car la mort le guette de toutes parts à cent pas de sa chaumière. C’est à Naples que vous verrez l’immense utilité d’un despote tel que Napoléon. Tâchez de faire amitié avec un propriétaire de vignes d’Ischia ou de Caprée, qui vous tutoiera dès le second jour si vous lui plaisez. Faute de cinquante années du

  1. Les lazzaroni, les plus misérables des hommes, frémissent si le Vésuve vient à jeter de la lave. Je vous le demande, dans leur état si malheureux, que leur reste-t-il à perdre ? (Je cite de mémoire.) — (Montesquieu, Œuvres diverses.)