Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, I, 1927, éd. Martineau.djvu/190

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Un père de ce pays-ci, qui a des filles, et trouve un roman chez lui, le jette au feu brutalement[1]. Cette absence de toute lecture, autre que la sévère histoire, est une des raisons les plus fortes de mon admiration vive pour la conversation des femmes italiennes. Dans les pays à romans, l’Allemagne, la France, etc., la femme la plus tendre, dans les moments du plus grand abandon, imite toujours un peu la Nouvelle Héloïse, ou le roman à la mode : car elle désire avec passion plaire à son amant ; elle a lu ce roman avec transport ; elle ne peut pas ne pas se servir un peu des phrases qui l’ont fait pleurer, et qui lui ont paru sublimes. Le beau naturel, chez les femmes, est donc toujours altéré dans les pays à romans. Il faut être déjà d’un certain âge pour leur pardonner tout ce clinquant, voir la véritable passion où elle est, et ne point se laisser glacer par tout le vain attirail dont on prétend la parer. On sait que les lettres d’amour, et quelquefois la conversation tendre des femmes littéraires, ne sont, en général, qu’un centon des romans qu’elles admirent. Serait-ce pour cela

  1. Quelques années après la date de ce voyage, j’ai vu à Paris discuter, devant sept à huit jeunes personnes, toutes les probabilités de la haute fortune de la marquise Octavie, dont alors le public commençait à s’occuper. Ce discours dura quarante-cinq minutes. (Note ajoutée en 1826.)