Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/149

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Je me suis un jour réveillé sur cette terre ; je me trouve lié à un corps, à un caractère, à une fortune. Irai-je m’amuser vainement à vouloir les changer, et cependant oublier de vivre ? duperie : je me soumets à leurs défauts. Je me soumets à mon penchant aristocratique, après avoir déclamé dix ans, et de bonne foi, contre toute aristocratie. J’adore les nez romains, et pourtant si je suis Français, je me soumets à n’avoir reçu du ciel qu’un nez champenois : qu’y faire ? Les Romains ont été un grand mal pour l’humanité, une maladie funeste qui a retardé la civilisation du monde : sans eux, nous en serions peut-être déjà en France au gouvernement des États-Unis d’Amérique. Ils ont détruit les aimables républiques de l’Étrurie. Chez nous, dans les Gaules, ils sont venus déranger nos ancêtres : nous ne pouvions pas être appelés des barbares ; car enfin nous avions la liberté. Les Romains ont construit la machine compliquée nommée monarchie ; et tout cela, pour préparer le règne infâme d’un Néron, d’un Caligula, et les folles discussions du Bas-Empire sur la lumière incréée du Thabor.

Malgré tant de griefs, mon cœur est pour les Romains. Je ne vois pas ces républiques d’Étrurie, ces usages des