Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/152

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Naples et surtout de la musique : il me répond par des idées nettes, brillantes et plaisantes. Je lui demande si j’ai l’espoir de voir encore à Naples l’Otello de Rossini ; il répond en souriant. Je lui dis qu’à mes yeux Rossini est l’espoir de l’école d’Italie : c’est le seul homme qui soit né avec du génie ; et il fonde ses succès, non sur la richesse des accompagnements, mais sur la beauté des chants. Je vois chez mon homme une nuance d’embarras ; les compagnons de voyage sourient : enfin, c’est Rossini lui-même. Heureusement, et par un grand hasard, je n’ai parlé ni de la paresse de ce beau génie ni de ses nombreux plagiats.

Il me dit que Naples veut une autre musique que Rome ; et Rome, une autre musique que Milan. Ils sont si peu payés ! Il faut courir sans cesse d’un bout de l’Italie à l’autre, et le plus bel opéra ne leur rapporte pas deux mille francs. Il me dit que son Otello n’a réussi qu’à moitié, qu’il va à Rome faire une Cendrillon, et de là à Milan, pour composer la Pie voleuse à la Scala.

Ce pauvre homme de génie m’intéresse vivement, non qu’il ne soit très-gai et assez heureux : mais quelle pitié qu’il ne se trouve pas dans ce malheureux pays un souverain pour lui faire une