Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/163

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14 février. — Je ne puis me lasser de Saint-Charles : les jouissances d’architectures sont si rares ! Pour les plaisirs de la musique, il ne faut pas les chercher ici : l’on n’entend pas. Quant aux Napolitains, c’est différent ; ils jurent qu’ils entendent fort bien. Mon ami de Milan me présente dans plusieurs loges ; les femmes se plaignent d’être trop vues : je me fais répéter ce reproche incroyable. Grâce à la profusion des lumières, ces dames sont en continuelle représentation ; ennui quadruplé par la présence d’une cour. Madame R*** regrette sincèrement les loges à rideaux du théâtre de la Scala. Le lustre détruit tout l’effet des décorations : il n’a pas grand’chose à faire, elles sont presque aussi mauvaises que celles de Paris. C’est un grand seigneur qui est à la tête des théâtres. Il y a dans ces décorations un défaut qui tue toute illusions : elles sont trop courtes de huit ou dix pouces ; on voit sans cesse des pieds s’agiter sous les bases des colonnes ou entre les racines des arbres. Vous ne vous faites pas d’idée du ridicule de cette distraction : l’imagination s’attache à ces jambes que l’on voit remuer, et veut deviner ce qu’elles font.

J’ai trouvé ce soir à San Carlo une ancienne connaissance : M. le colonel Lange : il est ici commandant de place pour