Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/274

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sacrés qui chantaient cachés dans une cage. Il en est de même à la Sixtine. Je pense qu’ils sont censés ne faire que soutenir le chant des officiants.

18 août. — Je viens de jouir d’un des spectacles les plus beaux et les plus touchants que j’aie rencontrés en ma vie. Le pape sort de Saint-Pierre, porté par ses estafiers sur un immense brancard ; on le voit à genoux devant le Saint-Sacrement. Heureusement il ne fait pas trop chaud : nous avons ce qu’on appelle une journée ventillata. Dès le grand matin les avenues de la place de Saint-Pierre sont sablées, nettoyées, les maisons tendues de tapisseries : cela se voit partout ; mais ce qu’on ne voit qu’à Rome, ce sont des figures persuadées que le pontife qui va paraître est le souverain maître de leur bonheur ou de leur malheur éternel. Il y a des chaises et des échafauds le long des deux immenses colonnades qui entourent la place. Dès le matin les toilettes les plus recherchées, comme les costumes les plus sauvages, marchandent les meilleures places ; le paysan des Abruzzes, pour peu qu’il ait deux carlins dans la poche, s’y trouve assis à côté du haut et puissant prince romain ; et l’argent est, dans ce séjour de l’égalité, la seule aristocratie reconnue et