Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/294

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4 octobre. — M. le marquis Ga...., amant de madame Bo....., l’une des plus belles femmes de Rome, se trouvait avec elle chez M. de Blacas. La comtesse de Florès pria Ga… de chanter, en ajoutant d’un ton qui fit apparemment ressortir le calembour : Cantate tanto bene, Galli ! À ces mots, la Bo… se lève furieuse : E che sapete voi se canta bene ? — Si, lo so benissimo, reprend madame de Florès d’un grand sang-froid : là-dessus silence complet dans le salon ; et la plus terrible querelle s’engage entre ces dames. L’amant, fort bel homme, présent à la bataille, n’osait rien dire. Des amis firent avancer les voitures de ces deux dames, leur représentèrent combien il était inconvenant de se livrer à de pareils débats dans la maison d’un étranger, et ils eurent beaucoup de peine à leur faire quitter les salons de l’ambassadeur, chacune de son côté.

Une Romaine est capable de faire de ces sortes de scènes à son amant : elle lui donnera un coup de poignard ; mais jamais, quelque tort que celui-ci puisse avoir avec elle, ne redira ce qu’il lui aura confié dans des moments d’épanchement. Elle le tuera peut-être, et en mourra de chagrin ; mais ses secrets mourront avec elle. Le coup de poignard est fort rare dans la haute société, mais fort commun parmi