Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/157

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« La volupté, me disait le comte C***, et le peu d’habitude de lire, font qu’on accorde si peu d’attention, qu’il faut dans la prose italienne tout expliquer avec le plus grand soin. Au moindre sous-entendu qui n’est pas palpable, on ferme le livre comme obscur : de là l’impossibilité du piquant. Je ne connais pas chez nous une seule phrase dans le genre des Lettres persanes. »

Ce même comte me fait une observation que je n’approuve pas, mais que je rapporte pour montrer combien ce peuple, qui a des passions et qui n’a point eu de Louis XIV, est plus près de la nature. Il me montrait à Trévise, qui par parenthèse a la physionomie d’une synagogue, il me montrait, pour me le faire admirer, un tableau de cet excellent coloriste, Paris Bordone. Hérode écoute froidement saint Jean qui le prêche avec tout l’enthousiasme de l’inspiration ; mais un grand chien barbone, qui est couché au pied du roi, et un petit chien de Bologne, qu’on aperçoit sous le bras d’Hérodias, aboient au prophète. En effet, tous les êtres animés correspondent par le langage des yeux : cela rappelle saint Bernard prêchant en latin aux Germains qui n’y