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Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/17

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5 janvier 1817. — Je cours les petits théâtres de Rome : c’est là souvent où se réfugie la bonne musique. Les amateurs d’Italie sont engagés dans un fâcheux détroit ; ils ne peuvent souffrir toute musique qui a plus de deux ans de date : tous les auteurs morts sont pour eux comme s’ils n’existaient pas ; d’un autre côté, ils sifflent la musique insignifiante et faible, et les théâtres d’Italie comptent autant de chutes que de nouveautés. Les entrepreneurs sont punis de la disette des génies ; le marquis C… me montre des lettres où je vois qu’excepté à Venise, l’opéra du Carnaval a fait fiasco partout. À Turin, l’on a sifflé ; à Milan, l’on bâille encore de l’Achille de Paër ; en général, Paër et Mayer commencent à ennuyer ; Rossini et Mozart sont les gens à la mode.

Je trouve à Capranica madame la Marquise B… Je passe une heure dans sa loge, sans le moindre instant de langueur. Dans la haute société, les femmes sont charmantes et bien supérieures aux hommes. Je n’ai rien trouvé dans aucun pays de plus poli et de plus aimable que ma dame de ce soir ; elle m’invite à un concert (academia) pour demain. Quels yeux j’ai vus à ce concert ! Dans ce genre, le reste de l’Europe est un tableau effacé. Je veux pouvoir oublier en regardant de