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Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/222

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Deux mauvais chevaux attelés à un carrosse à train rouge, voilà le luxe d’un cardinal[1] ; autrefois leurs maisons effaçaient celles des princes.

Le cardinal N*** m’a invité à une cérémonie qui m’a fort amusé. Le jeune prince Rus*** âgé de vingt-deux ans, ancien aide de camp de Joachim, a été touché de la grâce, s’est fait prêtre, et j’ai assisté à sa première messe, après laquelle son père et sa mère ont été admis à l’honneur de lui baiser la main. Cette affaire a étonné. La révolution des mœurs dure encore à Rome ; on ne sait pas trop ce qu’on fera[2]. En attendant, la défiance ferme toutes les maisons, et il y a moins de société, infiniment moins qu’à Padoue. Sans les jolis bals de milady *** les étrangers auraient été réduits à faire des wisth entre eux. Le banquier Torlonia, duc de Bracciano, a bien donné quelques fêtes ; mais l’escompte des billets de banque a paru cher à plusieurs Anglais, et rien ne ressemblait moins aux conversazioni du cardinal de Bernis. Dans la bourgeoisie, certains espions volontaires glacent tout. Il y a un cabinet littéraire chez l’imprimeur

  1. « Ce n’est pas parce que les Anglais payent de grands subsides qu’ils sont libres et riches, mais c’est parce qu’ils sont libres jusqu’à un certain point qu’ils sont riches, et c’est parce qu’ils sont riches qu’ils peuvent payer de grands subsides ; c’est parce qu’ils ne sont pas assez libres qu’ils en payent d’énormes ; et c’est parce qu’ils en payent d’énormes qu’ils ne seront bientôt plus ni libres ni riches. » (Commentaire sur l’Esprit des Lois de Montesquieu, p. 267 ; Liège, 1817.)
  2. Voir Rome en 1814, par M. Guinan-Laoureins, Bruxelles, 1816.