Page:Stendhal - Souvenirs d’égotisme, 1927, éd. Martineau.djvu/103

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sante pour moi. Par la suite il s’est trouvé que Mérimée, que j’estime tant, n’avait pas non plus le goût de ce genre de conversation.

Mon ami d’enfance, l’excellent Crozet (ingénieur en chef du département de l’Isère), excelle dans ce genre. Mais sa femme, me l’a enlevé depuis nombre d’années, jalouse de notre amitié. Quel dommage ! Quel être supérieur que M. Crozet, s’il eût habité Paris. Le mariage et surtout la province vieillissent étonnamment un homme, l’esprit devient paresseux, et le mouvement du cerveau, à force d’être rare, devient pénible et bientôt impossible.

Après avoir savouré, au café de Rouen, notre excellente tasse de café et deux brioches, j’accompagnais Lussinge à son bureau. Nous prenions par les Tuileries et par les quais, nous arrêtant à chaque marchand d’estampes. Quand je quittais Lussinge le moment affreux de la journée commençait pour moi. J’allais, par la grande chaleur de cette année, chercher l’ombre et un peu de fraîcheur sous les grands marronniers des Tuileries. Puisque je ne puis l’oublier, ne ferais-je pas mieux de me tuer ? me disais-je. Tout m’était à charge.

J’avais encore, en 1821, les restes de