Page:Stendhal - Souvenirs d’égotisme, 1927, éd. Martineau.djvu/156

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quente se chargea d’apprendre aux sots en quels termes ils devaient parler de Talma. On peut penser que l’emphase ne fut pas épargnée. Le nom de Talma devint européen.

Son abominable affectation devint de plus en plus invisible aux Français, gent moutonnière. Je ne suis pas mouton, ce qui fait que je ne suis rien.

La mélancolie vague et donnée par la fatalité, comme dans Œdipe, n’aura jamais d’acteur comparable à Talma. Dans Manlius, il était bien Romain : Prends, lis, et Connais-tu la main de Rulile ? étaient divins. C’est qu’il n’y avait pas moyen de mettre là l’abominable chant du vers alexandrin. Quelle hardiesse il me fallait pour penser cela en 1805 ? Je frémis presque d’écrire de tels blasphèmes aujourd’hui (1832) que les deux idoles sont tombées. Cependant, en 1805, je prédisais 1832, et le succès m’étonne et me rend stupide (Cinna).

M’en arrivera-t-il autant avec la ti…

Le chant continu, la grosse voix, le tremblement des poignets, la démarche affectée m’empêchaient d’avoir un plaisir pur cinq minutes de suite en voyant Talma. À chaque instant, il fallait choisir, vilaine occupation pour l’imagination, ou plutôt alors la tête tue l’imagination.