Page:Stendhal - Souvenirs d’égotisme, 1927, éd. Martineau.djvu/170

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connu bien bas, bien rampant, vers 1811, chez M. le comte Daru qu’il reçut à l’Académie française. M. de Jouy, beaucoup plus gentil, vendait les restes de sa mâle beauté à Mme Davillier, la plus vieille et la plus ennuyeuse des coquettes de l’époque. Elle était ou elle est encore bien plus ridicule que Mme la comtesse Baraguey-d’Hilliers qui, dans l’âge tendre de cinquante-sept ans, recrutait encore des amants parmi les gens d’esprit. Je ne sais si c’est à ce titre que je fus obligé de la fuir chez Mme Dubignon. Elle prit ce lourdaud de Manon (maître des requêtes) et comme une femme de mes amies lui disait « Quoi ! un être si laid ! »

— Je l’ai pris pour son esprit, dit-elle.

Le bon, c’est que le triste secrétaire de M. Beugnot avait autant d’esprit que de beauté. On ne peut lui refuser l’esprit de conduite, l’art d’avancer par la patience et en avalant des couleuvres, et, d’ailleurs, des connaissances, non pas en finances, mais dans l’art de noter les opérations de finances de l’État. Les nigauds confondent ces deux choses. Mme d’Hilliers dont je regardais les bras qu’elle avait encore superbes, me dit :

— Je vous apprendrai à faire fortune par vos talents. Tout seul, vous vous casserez le nez.