Page:Stendhal - Souvenirs d’égotisme, 1927, éd. Martineau.djvu/199

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possible qu’autant qu’il sera imprimé à Genève, et dirigé là-bas, par une tête de négociant capable de secret. Le directeur ferait tous les ans un voyage à Paris, et recevrait à Genève les articles pour le journal du mois. Il choisirait, payerait bien (200 francs par feuille d’impression) et ne nommerait jamais ses rédacteurs.

On me mena donc chez M. de l’Étang, un dimanche à deux heures. C’est à cette heure incommode qu’il recevait. Il fallait monter quatre-vingt-quinze marches, car il tenait son académie au sixième étage d’une maison qui lui appartenait à lui et à ses sœurs, rue Gaillon. De ses petites fenêtres, on ne voyait qu’une forêt de cheminées en plâtre noirâtre. C’est pour moi une des vues les plus laides, mais les quatre petites chambres qu’habitait M. de l’Étang étaient ornées de gravures et d’objets d’art curieux et agréables.

Il y avait un superbe portrait du cardinal de Richelieu que je regardais souvent. À côté, était la grosse figure lourde, pesante, niaise de Racine. C’était avant d’être aussi gras que ce grand poète avait éprouvé les sentiments dont le souvenir est indispensable pour faire Andromaque et Phèdre.

Je trouvai chez M. de l’Étang, devant un petit mauvais feu, car ce fut, ce me