Page:Stendhal - Souvenirs d’égotisme, 1927, éd. Martineau.djvu/63

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la soirée chez la charmante et divine comtesse Kassera. Et par une autre sottise, cousine germaine de celle que je fis avec Alexandrine, je refusai une fois d’être l’amant de cette jeune femme, la plus aimable peut-être que j’aie connue, tout cela pour mériter, aux yeux de Dieu, que Métilde m’aimât. Je refusai, avec le même esprit et pour le même motif, la célèbre Vigano qui, un jour, comme toute sa cour, descendait l’escalier, — et parmi les courtisans était cet homme d’esprit, le comte de Saurau, — laissa passer tout le monde pour me dire :

— Beyle, on dit que vous êtes amoureux de moi ?

— On se trompe, répondis-je d’un grand sang-froid, sans même lui baiser la main.

Cette action indigne, chez cette femme qui n’avait que de la tête, m’a valu une haine implacable. Elle ne me saluait plus quand, dans une de ces rues étroites de Milan, nous nous rencontrions tête-à-tête.

Voilà trois grandes sottises — jamais je ne me pardonnerai la comtesse Kassera (aujourd’hui, c’est la femme la plus sage et la plus réputée du pays).