Page:Stendhal - Vie de Henri Brulard, I, 1927, éd. Martineau.djvu/38

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est-il bien possible ! 1783, 93, 1803, je suis tout le compte sur mes doigts..... et 1833 cinquante. Est-il bien possible ! cinquante, je vais avoir la cinquantaine et je chantais l’air de Grétry :

Quand on a la cinquantaine.

Cette découverte imprévue ne m’irrita point, je venais de songer à Annibal et aux Romains. De plus grands que moi sont bien morts !..... Après tout, me dis-je, je n’ai pas mal occupé ma vie, occupé ! Ah ! c’est-à-dire que le hasard ne m’a pas donné trop de malheurs, car en vérité ai-je dirigé le moins du monde ma vie ?

Aller devenir amoureux de Mlle de Griesheim, que pouvais-je espérer d’une demoiselle noble, fille d’un général en faveur deux mois auparavant, avant la bataille de Iéna ! Brichaud avait bien raison quand il me disait, avec sa méchanceté habituelle : « Quand on aime une femme, on se dit qu’en veux-je faire ? »

Je me suis assis sur les marches de San-Pietro et là j’ai rêvé une heure ou deux à cette idée. Je vais avoir cinquante ans, il serait bien temps de me connaître. Qu’ai-je été, que suis-je, en vérité je serais bien embarrassé de le dire.

Je passe pour un homme de beaucoup