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CHAPITRE LVII


Napoléon disait : « Si je réussis avec la Russie, je suis maître du monde. » Il se laissa vaincre, non par les hommes, mais par son orgueil et par le climat[1] ; et l’Europe prit une nouvelle attitude. Les petits princes ne tremblaient plus, les grands souverains n’étaient plus incertains ; tous levèrent les yeux vers la Russie ; elle devenait le centre d’une opposition invincible.

Les ministres anglais n’avaient pas calculé cette chance, ces ministres qui n’ont d’influence que parce qu’ils profitent de la liberté qu’ils abhorrent. La Russie partira du point où ils l’ont mise pour recommencer Napoléon et d’une manière bien plus invincible, car elle ne sera pas viagère : nous verrons les Russes dans l’Inde.

En Russie, personne n’en est encore à s’étonner du despotisme. Il se confond avec

  1. Il ne faut pas se figurer que l’hiver ait été précoce, au contraire ; à Moscou, il faisait le plus beau temps du monde. Quand nous en partions, le 19 octobre, il gelait à trois degrés avec un soleil superbe.