Page:Stendhal - Vie de Napoléon.djvu/46

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n’est pas tout, il est probable qu’un tiers seulement de la garnison de Jaffa était composé de prisonniers d’El Arisch[1].

Pour sauver son armée, un général a-t-il le droit de mettre à mort ses prisonniers, ou de les placer dans une situation qui doit nécessairement les faire périr, ou de les livrer à des barbares, dont ils n’ont aucun quartier à espérer ? Chez les Romains, cela n’eût pas fait de question[2] ; au reste, de la réponse à celle-ci, dépend non seulement la justification de Napoléon à Jaffa, mais celle de Henri V à Azincourt, de lord Anson dans les îles de la mer du Sud, et du bailli de Suffren sur la côte de Coromandel. Ce qu’il y a de plus sûr, c’est que la nécessité doit être claire et urgente, et l’on ne peut nier qu’il n’y eût nécessité dans le cas de Jaffa. Il n’eût pas été sage de renvoyer les prisonniers sur parole. L’expérience montrait que ces barbares se jetteraient sans scrupule dans la première place forte qu’ils trouveraient, ou que, s’attachant à l’armée pendant qu’elle s’avançait dans la Palestine, ils inquiéteraient sans cesse ses flancs et son arrière-garde.

  1. Las Cases.
  2. Voir Tite Live, blâmant avec raison les Samnites de n’avoir pas fait main basse sur les Romains aux Fourches Caudines. Livre [IX], p. [221], 4e volume de la traduction de La Malle.