Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/132

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est vrai mais quelle expression ! Voyez Orphée chantant :

J’ai perdu mon Euridice,
Rien n’égale mon malheur.

Mon ami, qui a une belle voix, lui répondit, en chantant sur le même air :

J’ai trouvé mon Euridice,
Rien n’égale mon bonheur.

Je vous engage à faire cette petite expérience, la partition sous les yeux[1].

Si vous voulez de la douleur, rappelez-vous

Ah ! rimembranza amara !

du commencement de Don Juan. Remarquez que le mouvement est nécessairement lent, et que, peut-être, Mozart lui-même n’eût pu réussir à peindre un désespoir impétueux ; le désespoir de l’amant bourru, par exemple, quand il reçoit la lettre terrible qui consiste en ces mots : Eh bien, non ! Cette situation est très-bien exprimée dans l’air de Cimarosa :

Senti, indegna ! io ti volea sposar,
E ti trovo innamorata.

  1. Tel est l’effet de la mode sur le cœur d’une femme impressionnable. Mlle de Lespinasse était touchée profondément par cette maladie commune. Voir ses Lettres. (Note manuscrite de l’ex. Mirbeau.)