Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/183

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piano ? » Haydn la joue. Le capitaine, sans ajouter une parole, compte les trente guinées sur le piano, prend la marche, et s’en va. Haydn court après lui, et l’arrête : « J’en ai fait deux autres, lui dit-il, qui sont meilleures ; entendez-les, et choisissez. — La première me plaît, cela suffit. — Mais écoutez. » Le capitaine se jette dans l’escalier et ne veut rien entendre. Haydn le poursuit en lui criant : « Je vous en fais cadeau. » Le capitaine, descendant encore plus vite, répond : « Je n’en veux point. — Mais entendez-les, au moins. — Le diable ne me les ferait pas entendre. »

Haydn, piqué, sort à l’instant, court à la bourse, s’informe du vaisseau qui va partir pour les Indes, du nom de celui qui le commande ; il fait un rouleau des deux marches, y ajoute un billet poli, et envoie le tout à son capitaine, à bord. Cet homme obstiné, se doutant que c’était le musicien qui le poursuivait, ne veut pas même ouvrir le billet, et renvoie le tout. Haydn mit les marches en mille morceaux, et toute sa vie s’est rappelé la figure de son capitaine de vaisseau.

Il prenait beaucoup de plaisir à nous conter sa dispute avec un marchand de musique de Londres. Un matin, Haydn, s’amusant à courir les boutiques, selon l’usage anglais, entre chez un marchand