Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/225

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au-dessus de la brute, cette musique du chaos avec le commentaire des pas de trois charmantes danseuses exprimant, avec un naturel divin, les premières lueurs du sentiment dans l’âme de la beauté ; j’avouerai, dis-je, que ce commentaire a dévoilé à mes yeux le mérite de cette symphonie ; je la comprends aujourd’hui, et elle me fait beaucoup de plaisir. La musique de tout le reste du Prométhée me parut, à côté de celle-ci, insignifiante et ennuyeuse.

Avant d’avoir vu le ballet de Vigano, qui fit courir toute l’Italie, je me disais que, dans la symphonie du chaos, les thèmes n’étant pas résolus, il n’y a pas de chant, par conséquent pas de plaisir pour l’oreille, par conséquent pas de musique. C’est comme si l’on demandait à la peinture de représenter une nuit parfaite, une privation totale de lumière. Une grande toile carrée, du plus beau noir, entourée d’un cadre, serait-elle un tableau ?

La musique reparaît avec tous ses charmes dans l’Oratorio de Haydn quand les anges se mettent à raconter le grand ouvrage de la création. Arrive bientôt ce passage qui peint Dieu créant la lumière :

Dieu dit un seul mot, et la lumière fut.