Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/250

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renommé pour sa beauté, diffèrent moins par leurs formes que par leurs passions et leurs caractères. Il est donc plus aisé d’établir un beau idéal universel pour l’art qui reproduit ces formes extérieures que pour ceux qui mettent en jeu les diverses affections d’âmes aussi différentes.

Outre la beauté absolue des figures, on attache beaucoup de prix, dans les arts du dessin, à leur expression. Mais ces arts n’imitent point d’aussi près que la poésie la nature morale de l’homme, et par conséquent ne sont pas sujets à déplaire au Danois parce qu’ils plaisent trop au Napolitain. Dans mille actions de la vie, très-susceptibles d’être reproduites exactement dans le roman ou dans la comédie, ce qui paraîtra charmant à Naples sera trouvé fou et indécent à Copenhague ; ce qui semblera délicat en Zélande sera glacial aux bords du Sebète. Le poëte doit donc prendre son parti, et chercher à plaire aux uns ou aux autres. Canova, au contraire, n’a point à s’embarrasser de tels calculs. Son Pâris, son Hélène, seront aussi divins à Copenhague qu’à Rome, et seulement chaque homme jouira de leur beauté et admirera leur auteur en proportion de sa propre sensibilité. Pourquoi ? C’est que ces figures charmantes ne peignent que des affections