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à une demi-lieue du petit jardin de Haydn, dans la nuit du 10 mai, elles tirèrent le lendemain matin quinze cents coups de canon à deux cents pas de chez lui, pour prendre cette Vienne, cette ville qu’il aimait tant. L’imagination du vieillard la voyait mise à feu et à sang. Quatre obus vinrent tomber tout près de sa maison. Ses deux domestiques, pleins de frayeur, accourent auprès de lui ; le vieillard se ranime, se lève de son fauteuil, et, avec un geste altier, s’écrie : « Pourquoi cette terreur ? Sachez que là où est Haydn aucun désastre ne peut arriver. » Un frémissement convulsif l’empêche de continuer, et on le porte à son lit. Le 26 mai les forces diminuèrent sensiblement. Cependant, s’étant fait porter à son piano, il chanta trois fois, avec la voix la plus forte qu’il put,

Dieu, sauvez François !

Ce fut le chant du cygne. À son piano même, il tomba dans une espèce d’assoupissement, et il s’éteignit enfin le 31 mai au matin. Il avait soixante-dix-huit ans et deux mois.

Madame de Kurzbeck, au moment de l’occupation de Vienne, l’avait prié de permettre qu’on le transportât chez elle,