Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/372

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poëte italien, au lieu de songer à cette règle, en suivait une toute contraire qu’il s’était faite, et qui est de changer le lieu de la scène le plus souvent possible, afin que l’éclat des décorations, si belles en Italie, vienne donner un nouveau plaisir à son heureux spectateur.

Métastase, nous enlevant, pour notre bonheur, si loin de la vie réelle, avait besoin, pour nous montrer, dans ses personnages, des êtres semblables à nous, et qui fussent intéressants, du naturel le plus parfait dans les détails ; et c’est en quoi il a égalé Shakspeare et Virgile, et surpassé, de bien loin, Racine et tous les autres grands poëtes.

Je cours aux armes, car je vois que je scandalise ; mes armes sont des citations.

Mais en quelle langue pourriez-vous traduire

Un pauvre bûcheron, tout couvert de ramée,
Sous le faix du fagot aussi bien que des ans
Gémissant et courbé, marchait à pas pesants,
Et tâchait de gagner sa chaumine enfumée.
Enfin, n’en pouvant plus d’effort et de douleur,
II met bas son fagot, il songe à son malheur.
Quel plaisir a-t-il eu depuis qu’il est au monde ?
En est-il un plus pauvre en la machine ronde ?
Point de pain quelquefois, et jamais de repos…[1]

  1. L’édition originale citait encore les sept vers suivants. L’erratum de 1817 les supprime, et sur l’exemplaire Mirbeau, Stendhal les a barrés et écrit : « De tels vers ne peuvent être prononcés par un acteur. Ces vers tendres ne sont bons que dans un roman. N. D. L. E.