Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/444

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n’y a point de vraie grandeur dans les arts sans originalité, et de vraie grandeur dans une nation sans une constitution à l’anglaise. Peut-être vivrai-je encore assez pour voir rejouer en Italie la Mandragore de Machiavel, les comédies dell’ arte et les opéras de Pergolèse. Les Italiens sentiront tôt ou tard que ce sont là leurs titres de gloire ; ils en seront plus estimés des étrangers. Pour moi, j’avoue que j’ai été tout désappointé, entrant un de ces jours au spectacle à Venise, de trouver qu’on donnait Zaïre. Tout le monde pleurait, même le caporal de garde qui était à la porte du parterre, et les acteurs n’étaient pas sans mérite. Mais, quand je veux voir Zaïre, je vais à Paris, au Théâtre-Français. J’ai été bien plus satisfait le lendemain en voyant l’Ajo nel imbarazzo (le Gouverneur embarrassé), comédie faite par un Romain, et supérieurement jouée par un gros acteur, qui m’a rappelé sur-le-champ Iffland de Berlin, et Molé, dans les rôles demi-sérieux qu’il avait pris vers la fin de sa carrière. Ce gros acteur m’a paru tout à fait digne d’entrer dans ce triumvirat. Mais c’est en vain que j’ai cherché à Venise la comédie de Gozzi et la comédie dell’ arte ; au lieu de cela, on donnait presque tous les jours des traductions du théâtre français. Avant-hier je me suis sauvé de la triste Femme