Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/55

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se joindre, pour le spectateur, au sentiment de la difficulté vaincue. Quand cette dernière partie se montre seule, l’âme des auditeurs reste froide et quoique soutenus un instant par la vanité de paraître connaisseurs en musique, ils sont comme ces gens aimables dont parle Montesquieu, qui, en bâillant à se démettre la mâchoire, se tiraient par la manche pour se dire : « Mon Dieu comme nous nous amusons ! comme cela est beau[1] ! » C’est à force de beautés de ce genre que notre musique s’en va grand train.

En France, dans la musique comme dans les livres, on est tout fier quand on a étonné par une phrase bizarre : le bon public ne s’aperçoit pas que l’auteur n’a rien dit, trouve quelque chose de singulier dans son fait, et applaudit ; mais au bout de deux ou trois singularités dûment applaudies, il bâille, et cette triste manière d’être termine tous nos concerts.

De là cette opinion si générale dans le pays à mauvaise musique, qu’il est impossible d’en entendre plus de deux heures de suite sans périr d’ennui. À Naples, à Rome, chez les véritables amateurs où la musique est bien choisie, elle charme sans peine toute une soirée. Je n’ai qu’à rappe-

  1. Lettres persanes.