niste. Frank, donnant à son jeune cousin, pour me servir des propres expressions d’Haydn, plus de taloches que de bons morceaux, mit bientôt le jeune tympaniste en état non-seulement de jouer du violon et d’autres instruments, mais encore de comprendre le latin, et de chanter au lutrin de la paroisse, de manière à se faire une réputation dans tout le canton.
Le hasard conduisit chez Frank, Reüter, maître de chapelle de Saint-Étienne, cathédrale de Vienne. Il cherchait des voix pour recruter ses enfants de chœur. Le maître d’école lui proposa bien vite son petit parent : il vient ; Reüter lui donne un canon à chanter à première vue.
La précision, la pureté des sons, le brio[1] avec lequel l’enfant exécute, le frappent ; mais il est surtout charmé de la beauté de la voix. Il remarqua seulement qu’il ne trillait pas, et lui en demanda la cause en riant. Celui-ci répondit avec vivacité : « Comment voulez-vous que je sache triller, si mon cousin lui-même l’ignore ? — Viens ici, je vais te l’apprendre, » lui dit Reüter. Il le prend entre ses jambes, lui montre comment il fallait rapprocher avec rapidité deux sons, retenir son souffle, et battre la luette. L’enfant trilla sur-le-champ et bien. Reüter, enchanté du succès de son écolier, prend une assiette de belles cerises que Frank avait fait apporter pour son illustre confrère, et les verse toutes
- ↑ Je demande pardon de me servir de ce mot italien, ou plutôt espagnol, que je ne sais comment traduire : chanter avec une chaleur pleine de gaieté ne rendrait qu’imparfaitement ce qu’on entend en Italie par cantar con brio. Au delà des Alpes, portar si con brio est un éloge ; en France ce serait un ridicule énorme. Brio è quella vaghezza spiritosa che risulta dal galante portamento, o dall’ allegra aria della persona.