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absent, il n’écrivait à Mme de Montesquieu que pour demander de l’argent ; quelquefois un an s’écoulait sans qu’il écrivît. Quand enfin une lettre arrivait, Mme de Montesquieu soupirait. En mourant, il dit à ses enfants : « Mes amis, si vous avez quelque chose, vous le devez à Mme de Montesquieu. »

5o Montesquieu n’avait pas de fils ; il avait une fille pleine d’esprit ; il la força en quelque sorte à épouser un cousin portant le nom de Montesquieu, qu’il fit venir d’Agen ou des environs. La fille se soumet ; Mme de Montesquieu lui donne un fils, mais par égard pour le sacrifice qu’il avait demandé à sa fille, il ne lui fit pas porter le nom de sa baronnie ; on l’appela M. de Secondat. Ce brave homme n’eut rien de son père que son extrême distraction. En se promenant au marché il s’emparait de tous les beaux fruits qu’il rencontrait et les mangeait sans songer à les payer, mais son domestique qui le suivait avait ordre de tout payer. Il paraît même que M. de Secondat s’emparait aussi de tous les petits objets qui frappaient sa vue agréablement.

Un M. Latapie avait vécu depuis son bas âge dans la maison de Montesquieu et avait été son secrétaire. On me dit qu’avant de mourir il a donné aux édi-