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sais pas si le Poussin lui-même a rien de supérieur. Cet homme-ci est un artiste de premier ordre, et je n’ai vu ce tableau que cinq ou six fois. Toutefois, je hasarderais de dire que ce qui distingue le Puget comme peintre, c’est la distribution de la lumière.

Comme peintre, je placerais le Puget immédiatement après le Poussin et Le Sueur. J’ajouterais que Le Sueur ne lui est supérieur que pour la pensée ; il n’a jamais fait d’anges comparables à ceux de ce tableau.

Je dirais à un Ministre de l’intérieur qui aurait le sentiment des arts : « Envoyez à Marseille un beau Dominiquin, bien frais ; la beauté de la couleur est nécessaire aux provinciaux, et placez à Paris un tableau du Puget. »

J’ai vu avec étonnement 24 tableaux de Michel Serre, peintre inconnu, né en Catalogne en 1658, mort à Marseille en 1733. Il était fort pauvre et peignait au plus vite. Il avait vu l’école de Bologne et savait être avare de la lumière. Je le regarde comme fort supérieur à tous les peintres médiocres qui remplissent les travées de l’école française au Musée de Paris.

Serre fit preuve d’un courage bien étonnant lors de la peste de Marseille en 1720 ;