Page:Stendhal - Voyage dans le midi de la France, 1930.djvu/296

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parfaite. Le contraste avec le naturel parfait mais grossier, caractère du pays provençal, fait que je suis charmé de la politesse de la mère et de la jeune fille qui tiennent ce café, à côté de la Pomme ou Cloche d’or.

Je trouve sur la porte où me retient la pluie battante, un Américain mulâtre et moral qui endoctrine un petit décrotteur. Le domestique de l’Américain, âgé de 15 ans et tout aussi moral, m’amuse fort et me fait pitié. Le décrotteur, âgé de huit ans, ennuyé d’eux, finit par s’en aller.

En me levant, un peu de soleil ; mais bientôt pluie fine et vent d’ouest terrible. Que devenir ? Je n’ai pas de parapluie et

    l’air tépide du matin ; plus jolie sensation de tout le voyage depuis Paris.
    À quatre heures, départ pour Aubagne. Arrivé à 8 heures ; Je flâne, doutant de trouver une place. M. Bartholon, véritable physionomie de savant. Fumée ; odeur exécrable jamais éprouvée dans le nez. À 10 heures départ pour Toulon ; pluie à verse : un provincial à tête étroite et un Marseillais naturel dans la diligence. Je m’endors pour les gorges d’Ollioules. Pluie à verse ; superbe nature ; beaux platanes à Ollioules et de ce village en descendant à Toulon.
    Il fait une telle pluie que je ne sors de la Croix d’or que pour aller dans un café fort poli prendre une tasse de café au lait vers les 9 heures et demie.
    18. Je cours malgré la pluie. Mal aux entrailles. Je noblifie ma journée en osant aller à La Seyne par un vent infâme de mistral commençant, mais il se trouve qu’il n’y a pas de mer et la mer seule influe sur les bateaux à vapeur. 4 sous pour aller, autant pour revenir. Galanterie du patron en allant. La…* voulait m’engager à lui parler. J’aime mieux rêver.
    * Un mot déchiré.