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couronnées de maisons de campagne et de grands arbres. Après le village de Lormont, à l’extrémité de Bordeaux, cette chaîne de collines s’éloigne de la Garonne et court vers la Dordogne. On la dit couverte de beaux châteaux. J’en distingue un avec briques rouges apparentes, style de Fontainebleau.

J’aperçois, toujours sur la rive gauche de la Garonne, le château marécageux où réside M. de Peyronnet. Il fait là deux cents tonneaux de bon vin de Palud, bien corsé, me dit un matelot. On le recherche pour la navigation à l’Île-de-France ; la mer lui fait du bien et le propriétaire le vend 200 francs le tonneau à deux ou trois ans.

Je vois le Bec d’Ambès : c’est une prairie qui sépare la Dordogne et la Garonne : comme on sait, le fleuve magnifique que ces rivières forment après le bec d’Ambès s’appelle la Gironde. Nous longeons les carrières de la Roque ; c’est de là que vient cette belle pierre blanche et tendre qui donne tant de beauté à Bordeaux. Je vois Blaye et sa citadelle appartenant jadis au duc de Saint-Simon, père du grand historien. Quel contraste entre la façon de parler politique de Bordeaux et de Nantes ! On parle de la captivité de Blaye comme on parlerait d’une bataille livrée sous le roi Jean. Le bon sens bordelais est vraiment