Page:Stendhal - Voyage dans le midi de la France, 1930.djvu/73

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chose de très curieux dans la société de ce pays dont je ne me doute pas.

Chaque soir, à cinq heures, je vais jusque vis-à-vis de Lormont par l’omnibus, c’est-à-dire que je parcours l’admirable demi-cercle qui s’étend de la tour de Saint-Michel au quai de Bacalan et que je passe en revue tous les navires de commerce qui ont jeté l’ancre dans la Garonne à cent pas du quai où passe mon omnibus. Ce quai est hérissé de corps de garde de la douane et de sentinelles. Que de facilités en effet pour la contrebande dans ce port qui a cent lieues de long sur les deux rives ! La douane reçoit par mois ***[1] francs.

Deux choses me font bien penser de l’administration municipale de Bordeaux :

1o Elle n’a point le langage stupide de la police de Paris qui écrit sur les murs :

« Sous peine de punition, il est défendu de… »

La municipalité de Bordeaux fait écrire :

« Par ordre et pour la salubrité il est défendu… » Elle daigne raisonner avec ses administrés. À l’instant il n’est plus plaisant de se moquer de ses commandements ; le mot sacré de salubrité se fait entendre de tout le monde.

  1. En blanc dans le manuscrit. N. D. L. E.