Page:Stendhal - Voyage dans le midi de la France, 1930.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des sept à huit autres passagers des premières. J’ai fait ce trajet en septembre 1828 en allant voir la terreur (par le comte d’Espagne à Barcelone), mais, n’ayant pas écrit de journal, nuls souvenirs nets. Seulement sensations charmantes dans le moment.

Après le dîner, assez bon et servi de bonne grâce, je reste longtemps sur le pont. Vers minuit le froid me force à aller prendre place sur les coussins de la chambre. Par bonheur nous sommes en petit nombre. Figurez-vous le plaisir de disputer un coin de coussin à des Gascons sentant l’ail. À six heures et demie nous passons vis-à-vis Cambes, à deux lieues de pays de Bordeaux. La nuit tombe ; le ciel est clair ; le rivage assez bas ressemble à un énorme caïman, répété qu’il est dans les flots. La moitié de dessous est de la même couleur sombre que celle de dessus. Les rives de la Garonne continuent à présenter des bouquets d’ormes qui couronnent des collines garnies de maisons. Nous n’arrivons à Langon qu’à onze heures du soir. On s’arrête pour embarquer du bois. Je reste sur le pont. Quand les forêts sont dépouillées de feuilles, à travers les branches, les étoiles très brillantes font un singulier effet et qui agit fortement sur l’imagination.

Les flammèches de bois qui s’échappent