Page:Stendhal - Voyage dans le midi de la France, 1930.djvu/87

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garni de plusieurs croix, m’a assez amusé ; il s’est mis en colère parce que des femmes qui lavaient leur linge le long du fleuve étendaient ce linge pour le faire sécher à de jeunes peupliers gros comme la cuisse. Que cela n’arrive plus ! leur a-t-il crié de loin avec humeur. Telle est la misère du propriétaire de campagne : il se fâche toujours et contre de pauvres diables que la nécessité, non le caprice, porte sans cesse à le gruger. Et ces propriétaires, souvent vieux courtiers disgraciés, ont l’impudence de citer Virgile et de parler des plaisirs des champs !

Que faire à Agen à dix heures du soir ? Je suis allé à un café que j’ai trouvé rempli de manants jouant aux cartes. Ils s’amusaient ; ils étaient dans leur droit ; ils ne me faisaient aucun mal ; ils ont été polis pour moi, et, cependant, j’ai pris en dégoût le séjour d’Agen. Je suis monté à onze heures du soir dans la diligence qui partait pour Toulouse.

Je me réveille à cinq heures lorsque la diligence change de chevaux à Moissac. Belles maisons en briques ; je me crois dans ma chère Lombardie (qui n’a d’autre défaut que le Metternich), je suis charmé. Belles moulures et cadres des fenêtres, etc. La brique engage à se départir de la laideur gauloise. Saillie convenable du toit sur le