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Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/144

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sa superbe selle et sa magnifique bride, un goût tout-à fait opposé. Il se livroit à l’autre extrême : on citoit son cheval comme le plus beau du canton. — Mais on sait déjà qu’il n’y avoit point de sage-femme, ni dans le village, ni à sept ou huit milles à la ronde. — Ses paroissiennes n’en avoient pas moins d’aptitude à propager l’espèce humaine ; et que faire au moment du besoin ? On venoit prier monsieur le curé de prêter son cheval, pour aller chercher du secours. — Son cœur étoit excellent ; un nouveau cas étoit souvent plus pressant que le premier : il falloit voler. — De semaine en semaine, de jour en jour, quelquefois le cheval faisoit une course, et les choses alloient de manière, que tous les neuf ou dix mois, il se trouvoit dans la nécessité de se défaire d’un mauvais cheval, et de le remplacer par un bon.

Je laisse à qui le voudra, à calculer la perte que cette complaisance lui coûtoit année commune. Le bon pasteur la supporta longtemps sans murmurer. — Elle se répéta enfin tant de fois, qu’il songea à prendre la chose en considération. Il vit que cette dépense étoit si disproportionnée à ses revenus, qu’il ne pouvoit plus la soutenir. Mais ce qui le touchoit le plus, c’est qu’un article aussi lourd