Aller au contenu

Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/229

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Or, est-il, que le califourchon que montoit mon oncle, étoit, selon moi, plus qu’un autre, digne d’être décrit à cause de sa singularité. — On auroit effectivement pu aller d’Yorck à Douvres, de Douvres à Penzance, et de Penzance encore une fois à Yorck, sans rencontrer son pareil sur la route ; et si par hasard on en eût aperçu quelqu’un qui eût seulement de son air, il auroit fallu S’arrêter pour le contempler, quelque pressé qu’on eût été. — Sa démarche, sa figure étoient si singulières, si extraordinaires, il ressembloit si peu dans son espèce à quelqu’autre espèce que ce soit, qu’on auroit aisément douté de ce que c’étoit. Mais, à la mode de ce philosophe qui, pour renverser le système de ce fou de Zénon d’Élée, qui nioit qu’il y eût du mouvement, ne fit que marcher devant lui, mon oncle Tobie, pour prouver que son califourchon étoit réellement un califourchon, ne se servoit d’autre argument que de monter dessus et de le faire courir. — Il laissoit aux passans à décider le point en question.

Mon oncle Tobie le montoit avec tant de plaisir..... Il portoit si bien mon oncle Tobie, qu’il s’inquiétoit fort peu de ce que le monde disoit et pensoit de lui à ce sujet.

Mais il est temps cependant, ou jamais,