Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/452

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bien ! monsieur, qu’avons-nous vu ? dès que nous avons quitté les cavernes affreuses des pôles, nous avons commencé à nous apperçevoir que les peuples se civilisoient par des nuances presque insensibles. À mesure que nous avons avancé, nous avons trouvé une certaine lueur d’esprit qui se fortifioit de plus en plus, une espèce de jugement local et économique. Ils n’en ont pas plus qu’il ne faut ; mais ils en ont assez. La dose est proportionnée à leurs besoins, à leur situation, à leur climat. S’ils en avoient davantage, peut-être détruiroient-ils l’équilibre qui règne entre eux.

Mais, monsieur, je vous ramène dans cette île qui nous est si chère, dans ce pays qui est plus chaud, plus riant, plus fertile, où la source, ou plutôt les torrens de notre sang et de nos humeurs, coulent avec rapidité, bouillonnent et s’élèvent avec plus de force ; où l’ambition nous tyrannise ; où l’orgueil nous inspire une si haute opinion de nous-mêmes, et tant de mépris pour les autres ; où l’envie nous dévore, où les richesses ont multiplié nos besoins, où nous nous abandonnons, sans rougir, au libertinage, à la débauche, où mille passions basses et honteuses se disputent l’empire de