Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/461

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famille que l’on trouvoit de ces singularités : un autre n’auroit peut-être pas supporté ce désagrément pendant une heure : ce qu’il y a de plus surprenant, c’est que mon père n’étoit jamais plus énergique dans ses plaintes, que quand il entendoit les gonds de la porte crier. — Mais sa rhétorique et sa conduite étoient perpétuellement en contradictions sur ce point. Jamais on n’ouvroit la porte de la salle que sa philosophie et ses principes n’en fussent la victime. Trois gouttes d’huile étendues avec une plume et quelques coups de marteau, eussent sauvé son honneur pour jamais….

Que l’homme est inconséquent ? il languit sans cesse sous des peines qu’il est dans son pouvoir d’écarter. Toute sa vie est en contradiction avec ses connoissances. Sa raison, ce précieux don de la Divinité, au lieu de verser de l’huile sur ses blessures, ne sert qu’à irriter sa sensibilité, qu’à multiplier ses peines, qu’à le rendre plus mélancolique, et qu’à lui faire supporter ses chagrins avec plus de difficulté. Malheureux mortel ! infortunée créature ! pourquoi agis-tu ainsi ? n’y a-t-il donc pas assez dans cette vie de causes nécessaires à ton extrême misère, sans y ajouter volontairement de nouvelles peines ?