Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/550

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CHAPITRE LXV.

Si j’avois le pinceau de Greuze !


Avec tout cela, il est facile de voir que mon père, qui étoit imbu de la doctrine qu’il avoit trouvé répandue dans tous ces contes, et dans tous les autres livres qu’il avoit lus, n’avoit pu supporter l’échec que je venois de recevoir, qu’en se jetant horizontalement et à corps perdu tout à travers de son lit. C’est l’attitude qui convient aux grandes douleurs, et la sienne étoit à son comble.

Il resta dans cette terrible situation pendant près d’une heure et demie, et il étoit encore dans cet état cruel, lorsqu’enfin il commença à remuer le bras gauche, ce qui soulagea mon oncle Tobie.

Quelques secondes après, il tira du fond de sa poitrine un hem, hem, qu’il articula de manière à exciter mon oncle Tobie à lui répondre sur le même ton. Le pauvre cher oncle auroit volontiers saisi ce moment pour dire quelque chose de consolant à son frère ; mais il se défia de lui-même, et craignit de faire pis en voulant faire bien. Il se contenta de poser son menton sur sa béquille ; et soit