Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/611

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C’est que les opinions particulières se réunirent toutes à celles des deux convives, qui s’étoient imaginé que Phutatorius avoient voulu insulter Yorick. Cette idée s’accrédita encore par le regard effaré du docteur qui, resté presque stupéfait, fixoit tour-à-tour chaque personne, comme s’il avoit voulu lire dans ses yeux ce qu’elle pensoit. —

Le fait est pourtant que Phutatorius ne savoit pas un mot de ce qui se passoit dans l’esprit des convives, et qu’ils ne savoient pas eux-mêmes ce qui se passoit dans le sien.

Dans le sien ?… mais s’y passoit-il quelque chose ? songeoit-il seulement à Yorick.

Non, mes amis ; et quoique ses yeux eussent l’air farouche, quoiqu’il eût, pour ainsi dire, monté à vis tous les muscles et tous les nerfs de son visage, quoique toutes les apparences annonçassent qu’il alloit accabler Yorick sous le poids de quelque réplique sanglante ; Yorick, hélas ! étoit bien loin de son imagination.

L’accident le plus funeste… La crainte du moins d’éprouver quelque chose de sinistre, captivoit son attention, et toutes ses facultés sensitives et intellectuelles s’étoient concentrées dans l’endroit fatal où le danger s’étoit manifesté.