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Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/617

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pensées, de son imagination, de son jugement, de sa raison, de sa mémoire, de ses fantaisies et de dix mille bataillons, peut-être, d’esprits animaux qui arrivèrent en foule et tumultueusement, par des passages et des défilés inconnus qu’ils se frayèrent, s’élança subitement sur le lieu du danger, et laissa les régions supérieures aussi vuides que la tête de nos poëtes.

Cette multitude de secours sembloit devoir lui donner quelque notion, quelque intelligence de ce qui se passoit en bas ; mais il ne fut pas capable d’en pénétrer le secret. Il ne put faire que des conjectures, et la plus raisonnable de toutes celles qu’il fit, c’est que peut-être le diable y étoit. Cette idée, quelqu’inquiétante qu’elle fût, ne l’empêcha pourtant point de se résoudre dans le moment à supporter stoïquement la situation où il se trouvoit. Un certain nombre de grimaces et de contorsions, et quelques grincemens de dents auroient fait l’affaire ; mais il auroit fallu que l’imagination fût restée neutre. Eh ! qui pourroit, en pareil cas, se flatter de gouverner ses saillies ? la sienne s’alluma ! Il en sortit incontinent : une conjecture qui se darda dans son esprit avec la rapidité d’un éclair, et qui, quoique la douleur excitât la