Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/177

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ne te manquera pas. — Mais si la fortune, ajouta mon oncle Tobie en rêvant un peu, si la fortune trahit ton courage… reviens à moi, Lefêvre, s’écria-t-il en l’embrassant ; tu me retrouveras toujours. » —

La plus mortelle injure n’auroit pas déchiré le cœur du jeune Lefèvre, autant que la tendresse paternelle de mon oncle Tobie. Ils se séparèrent l’un de l’autre, comme le meilleur des fils du meilleur des pères. Ils pleurèrent tous deux. — Enfin mon oncle Tobie, en lui donnant son dernier baiser, lui glissa dans la main une vieille bourse qui contenoit la bague de sa mère et soixante guinées, — et il pria Dieu de le bénir.



CHAPITRE LVII.

Malheur du jeune Lefèvre.


Lefèvre rejoignit l’armée impériale devant Belgrade, à temps pour essayer la trempe de son épée à la défaite des Turcs. — Il s’y comporta en digne élève de mon oncle Tobie. — Mais le malheur sembla s’attacher à lui sans qu’il l’eût mérité, et le poursuivit partout pendant les quatre années qui suivirent. — Il soutint l’adversité avec