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Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/183

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CHAPITRE LXL

Lit de justice de mon père.


Les anciens Goths de Germanie, qui les premiers s’établirent dans ce pays qui est entre l’Oder et la Vistule, et qui s’associèrent dans la suite les Bulgares et quelques autres peuplades vandales, avoient tous la sage coutume de débattre deux fois toutes les affaires importantes : une fois ivres et une fois à jeun ; — à jeun, pour que leurs conseils ne manquassent pas de prudence ; — ivres, pour qu’ils ne manquassent pas de vigueur. —

Mon père ne buvoit que de l’eau. — Il n’y avoit pas moyen de prendre cette méthode, ni de la tourner à son profit, comme il avoit coutume de faire de toutes celles des anciens. — Que n’eût-il pas donné pour trouver un biais favorable, et pour se rapprocher au moins un peu de la méthode des anciens Germains, s’il ne pouvoit l’adopter tout-à-fait ! il y rêva long-temps, et long-temps sans fruit ; — enfin, la septième année de son mariage, il inventa l’expédient que voici.

— Toutes les fois qu’il y avoit dans la famille quelque point délicat à régler, quelque