Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/454

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rangé Yorick du côté de mon père ; et il commençoit à désoler le pauvre docteur par l’énumération de tous les couvens de la chrétienté, — quand le caporal Trim entra dans la salle, et raconta à mon oncle Tobie que ses culottes d’écarlate ne pourroient servir, comme ils l’avoient projeté, pour l’attaque de la veuve Wadman, attendu que le tailleur, en les décousant, s’étoit aperçu qu’elles avoient déjà été retournées.

« Eh bien ! qu’il les retourne encore, dit brusquement mon père ; car on les retournera encore plus d’une fois avant que l’affaire soit finie. — Elles n’en valent pas la façon, dit le caporal. — Alors, frère, dit mon père, il faut nécessairement que vous en commandiez d’autres. Car quoique je sache, continua-t-il, en s’adressant à la compagnie, que la veuve Wadman aime mon frère Tobie depuis longtemps, et qu’elle a mis en usage toute l’adresse et tous les artifices d’une femme pour s’en faire aimer, — maintenant qu’elle l’a enrôlé, sa passion n’est plus aussi vive. »

« Elle a obtenu ce qu’elle vouloit. » —

« Sous ce rapport, continua mon père ; sous ce rapport, auquel je suis persuadé que Platon n’a jamais pensé, vous voyez que l’amour est moins un sentiment qu’un état,