Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/475

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une aune de saucisses ; ce fut celle qu’il choisit. Et voici comme il raisonnoit ;

» Si je suis mal reçu, il ne m’en coûtera jamais qu’une aune de saucisses, et le malheur n’est pas grand. — Si au contraire les choses tournent bien, je puis gagner, non-seulement une aune, mais une boutique entière de saucisses, et une femme par-dessus le marché. »

« Toute la maison, du plus grand jusqu’au plus petit, souhaita à Tom un heureux succès, et il partit. — Sauf le respect de monsieur, je m’imagine le voir en veste et culottes de bazin, le chapeau sur l’oreille, — marchant légèrement dans la rue, agitant sa canne en l’air, — souriant et abordant d’un air gai tous ceux qu’il rencontroit. — Mais, hélas ! Tom, tu ne souris plus ; tu ne souriras plus, s’écria le caporal en détournant la tête, les yeux fixés à terre, comme s’il eût apostrophé son frère au fond de son cachot. — » —

« Pauvre garçon, dit mon oncle Tobie, d’un air touché ! » —

« Je puis bien dire à monsieur, dit le caporal, que c’étoit le meilleur garçon, et le plus honnête qu’on eût jamais vu. » —

« Il te ressembloit donc, Trim, répliqua vivement mon oncle Tobie ! »