Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/59

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Appliquons ces réflexions à la chûte du chapeau de Trim. —

Nous voilà tous ici, et en un moment nous ne sommes plus.

Cette phrase n’avoit rien de bien saillant. C’étoit une de ces vérités triviales à force d’être connues, et telles qu’on nous en débite tous les jours. — Et si Trim ne s’en fût pas plus reposé sur son chapeau que sur son éloquence, il n’auroit produit aucun effet.

Nous voilà tous ici, continua le caporal, et en un moment… (laissant tomber perpendiculairement son chapeau, et s’arrêtant avant d’achever), en un moment nous ne sommes plus. — Le chapeau tomba comme si c’eût été une masse de plomb. — Rien ne pouvant mieux exprimer l’idée de la mort, dont ce chapeau étoit comme la figure et le type. — La main de Trim sembla se paralyser, — le chapeau tomba mort. — Trim resta les yeux fixés dessus, comme sur un cadavre. — Et Suzanne fondit en larmes.

Or, il y a mille, — dix mille, — et comme la matière et le mouvement sont infinis, dix mille fois, dix mille manières, dont un chapeau peut tomber à terre sans produire aucun effet.

Si Trim l’eût jeté avec force ou colère,