Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

kespéar ? Oh ! dit le libraire, c’est un esprit fort… Il aime les livres anglois ; et ce qui lui fait encore plus d’honneur, Monsieur, c’est qu’il aime aussi les anglois. En vérité, lui dis-je, vous parlez si poliment, que vous forceriez presque un anglois, par reconnoissance, à dépenser quelques louis dans votre boutique. Le libraire fit une inclination, et alloit probablement dire quelque chose, lorsqu’une jeune fille d’environ vingt ans, fort décemment mise, et qui avoit l’air d’être au service de quelque dévote à la mode, entra dans la boutique, et demanda les Égaremens du cœur et de L’esprit. Le libraire les lui donna aussitôt. Elle tira de sa poche une petite bourse de satin vert, noué d’un ruban de même couleur… Elle la délia, et mit dedans le pouce et le doigt avec délicatesse, mais sans affectation, pour prendre de l’argent, et paya. Rien ne me retenoit dans la boutique, et j’en sortis avec elle.

Ma belle enfant, lui dis-je, quel besoin avez-vous des égaremens du cœur ? À peine savez-vous encore que vous en ayez un, jusqu’à ce que l’amour vous l’ai dit, ou qu’un berger infidèle lui ait causé du mal. Dieu m’en garde ! répondit-elle. Oui, vous avez raison ; votre