Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/210

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MOULINS.
Marie.


Jamais, jusqu’à présent, je n’ai senti l’embarras des richesses. — Voyager à travers le Bourbonnois, le pays le plus riant de la France, dans les beaux jours de la vendange, dans ce moment où la nature reconnoissante verse ses trésors avec profusion, et où tous les yeux sont rayonnans de joie. — Ne pas faire un pas sans entendre la musique appeler à l’ouvrage les heureux enfans du travail, qui portent en folâtrant leurs grappes au pressoir. — Rencontrer à chaque instant des groupes qui présentent mille variétés aimables. — Se sentir l’ame dilatée par les émotions les plus délicieuses. — Juste ciel ! voilà de quoi faire vingt volumes !

Mais hélas ! il ne me reste plus que quelques pages à remplir ; et je dois en consacrer la moitié à la pauvre Marie, que mon ami M. Shandy rencontra près de Moulins.

J’avois lu avec attendrissement l’histoire qu’il nous a donnée de cette fille infortunée à qui le malheur avoit fait perdre la raison.